•            "La cérémonie va commencer. Dépêchez-vous d'y aller, princesse!

                - Mince, tu a raison Lanlan!"

                Aussitôt, Lilya se précipita dans le couloir, en direction de la salle du trône. Nombre de serviteurs s'affairaient dans les corridors. Certains préparaient les chambres pour les invités tandis que d'autres se dirigeaient en cuisine pour dresser le banquet.

                La jeune Thawen esquiva tous les domestiques sans refreiner sa course. Pas question d'être en retard alors qu'elle était la personne la plus attendue.

                Elle passa de pièce en pièce aussi vite qu'elle pouvait mais la cérémonie prenait place de l'autre côté du château. Elle se laissa tomber sur ses pattes avant, augmentant sa vitesse de déplacement.

                Arrivée près des imposantes portes en bois massif, elle ralentit sa course et se redressa. Lilya agrippa les poignées et s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. Le moment qu'elle attendait depuis tant d'année se réalisait enfin. L'excitation se mêlait à l'appréhension, bousculant ses pensées et ses émotions.

                Elle lissa son duvet et frotta ses pattes derrière ses oreilles - il lui fallait être la plus présentable possible - tandis que sa queue s'agitait dans tous les sens à cause de l'appréhension

                Lilya prit une grande inspiration et franchit le seuil.

                La salle resplendissait encore plus qu'à l'accoutumé. Les banderoles de cinq des six clans ornaient les murs de granite, éclairées par les rayons d'un soleil rougeoyant.

                Des dizaines de personnes étaient venues pour assister à la cérémonie. Hormis le clan renié, tous les autres envoyèrent des ambassadeurs pour féliciter les enfants félins à l'honneur. Lilya reconnut Tristoden du clan du Rivage grâce à sa corne de narval; Un ami proche de son père depuis bien des années. Au loin, elle aperçu une queue touffue et orangée. Dame Eodan était la seule à correspondre à cette description, son apparence d'écureuil volant la trahissant.

                Alors qu'elle tentait de reconnaître d'autres invités, les portes massives se refermèrent derrière elle, émettant un bruit sourd. Lilya fit un bond et se retourna d'un seul geste. À la vue de Legao, un sourire se dessina sur son visage, dévoilant ses canines. Elle se précipita vers lui, ronronnant de plaisir.

                Il la serra contre lui. La jeune princesse aimait la douceur de son pelage orangée couvert de rayures noires. Les poiles du chef de la garde lui chatouilla le nez. Elle recula d'un pas et éternua, ce qui la fit beaucoup rire.

                Les êtres croisés avec un tigre étaient rares. Cependant, Legao n'avait pas obtenu son poste grâce à cela. Ses faits de guerres suffisaient amplement.

                Il se mit à la hauteur de la jeune demoiselle.

                "Vous avez tellement grandit, princesse. En vous voyant, j'ai foi en l'avenir du clan. Vous êtes notre fierté, et nous vous servirons avec joie et honneur.

                - Lilya, nous n'attendons plus que toi ma chérie!, interpella une voix au loin.

                - Vous devriez y aller, le Roi vous appel. Surtout, choisissez avec votre cœur. Je vous reverrai après le banquet.

                - Merci Legao. Je t'adore, tu es toujours très gentil avec moi."

    Elle s'approcha du visage du garde et lui murmura à l'oreille: "En plus, tu es tout doux", avant de partir en ricanant. Le garde la regarda s'éloigner, amusé.

                Lilya se fraya un chemin dans la foule jusqu'à atteindre un espace dégagé. Son père se tenait là, solennel, un léger sourire au coin des lèvres en apercevant sa fille. Il en imposait de par sa stature, les rayons de lumières faisant resplendir son pelage de léopard.

                La princesse prit place sur une chaise en bois sombre, sculptée avec élégance, auprès d'une douzaine d'autres enfants de son âge. Lilya leur fit un signe de la main; certains lui répondirent d'un mouvement de tête, d'autres ne bougèrent pas, trop stressés.

                Le roi s'apprêtant à prendre la parole, les voix se turent peu à peu, jusqu'à ce qu'un silence total règne dans la salle. Leolen prit la parole.

                "Depuis l'aube du temps, la nature veille sur notre peuple et en contrepartie, nous protégeons ses enfants. Chacun d'entre nous avons pour responsabilité de trouver la créature que nous devons protéger, devenant ainsi notre familier.

                Ce jour est enfin arrivé pour nos enfants. Les anciens se souviennent du jour de leur cérémonie, tant par leur esprit que par leur cœur. C'est le passage à l'âge adulte, une étape passionnante, remplit de joie, mais également de doutes.

                Dans quelques instants, vous devrez choisir votre familier. Ne le faîtes pas à la hâte. Ce choix sera définitif, alors prenez le temps qu'il vous faut.

                Votre décision prise, vous reviendrez dans cette salle et le présenterez au reste de la communauté, finalisant ce choix.

                Viendra ensuite le plus difficile. Vous devrez l'élever, prendre soin de lui et le soigner si cela s'avère nécessaire. Vous serez formés ensemble au combat. On vous apprendra aussi à prendre soin des autres, à vous préoccupez de votre prochain et vous inculquer le sens des responsabilités. Vous y gagnerez plus qu'un animal de compagnie, ce sera l'ami et l'allié le plus précieux de votre vie.

                Maintenant, levez-vous. Pénétrez dans la salle annexe et prenez cette décision."

                Les enfants se levèrent d'un seul mouvement et suivirent un serviteur du palais jusqu'à la salle adjacente. Des "oh!" et des "ah!" ponctuèrent leur entrée, les yeux écarquillés, le regard ne sachant pas sur quoi s'arrêter.

                Des dizaines de créatures, toutes plus étranges et insolites les unes que les autres, se baladaient, couraient, dormaient et même volaient dans la pièce. Certains semblaient faits de bois, de plumes, quelques-uns tenaient dans la paume d'une main, tandis que d'autres étaient si gros que les Miaous pouvaient leur grimper sur le dos. Il y avait des tortues rigolotes, des renards à poils longs et une sorte de chat, fin et jaune.

                Emerveillés, les enfants ne se rendirent pas compte que Levissa, soigneuse en chef, les avait rejointes. Son croisement de vautour était assez effrayant. Son visage était rond, recouvert d'un pelage blanc, avec ses grands yeux jaunes intimidant. Ses bras, semblables à ceux des humains, trainaient de longues ailes grises.

                "Bonjour à vous, mes chers Miaous. Comme vous le savez, vous allez devoir choisir l'une des créatures présente dans cette pièce et en faire votre familier. Vous avez tout le temps que vous souhaitez. N'hésitez pas à vous approchez d'eux, ils sont tous gentils et élevés dans ce but.

                Votre décision prise, vous viendrez me voir. Je vous laisserai repartir avec votre nouvel ami et vous le présenterez au roi et aux personnes venues assister à la cérémonie. Si vous avez des questions, je suis là pour vous. Maintenant, allez les voir."

                Les Miaous, comme les surnomment les adultes, n'attendirent pas une seconde de plus. Ils se précipitèrent vers les créatures et commencèrent à les caresser, les embrasser, les cajoler et certains même à se rouler avec eux.

                Les rires et les cris remplirent la salle tandis que Lilya se dirigeait à son tour vers les futurs familiers. Un petit animal semblable à un lapin rayé de blanc et de noir s'approcha, se laissa caresser le crane avant de repartir en courant. Le choix s'avéra très difficile, toutes ces créatures étaient mignonnes, attendrissantes ou fascinantes, mais la jeune princesse ne ressentait pas de lien se créer naturellement entre eux.

                Elle fit plusieurs fois le tour de la pièce, observant chaque animal, jouant avec eux parfois, sans oublier ce pour quoi elle était là. Une pile de coussin bougeant légèrement attira son regard. Elle s'approcha et en retira quelques-uns, ce qui força les deux créatures cachées à se montrer.

                Le plus petit semblait être un rat, ou plutôt une ratte, d'après sa taille. Son pelage blanc était barré d'une bande noire allant du sommet du crâne jusqu'à la queue, une petite tâche blanche en forme de goutte sur la tête. Dressée sur ses pattes arrière, son museau rose s'agitait dans la direction de Lilya.

                Elle se perchait sur le dos d'un animal de plus grande taille, semblable à celle d'un chat adulte. Son torse, ses pattes et son visage étaient recouverts d'un pelage gris foncé. Le reste de son corps, bicolore, mettait en valeur ses yeux émeraude. Ses oreilles, sombres à l'extérieur et rouge vif à l'intérieur, ressemblaient à celles d'un lapin. Son dos et ses flancs, enveloppés de plumes, ainsi que sa longue queue, en forme d'ancre, arboraient les mêmes couleurs.

                Les deux créatures regardaient la Miaou, assise sur les talons, sans esquisser le moindre geste. Le temps semblait s'être arrêté. Pas de bruit, pas de cris, juste le silence, comme s'ils se retrouvaient tout trois dans une bulle hors du monde. Lilya parvenait à lire dans leurs yeux, un mélange de tristesse et d'espoir, que nul autre animal n'avait pu exprimer. C'est donc cela, le lien?

                Elle se rapprocha lentement, agenouillée, tendant fébrilement son bras quelle retira dans un sursaut. Une main venait de se poser sur son épaule. Levissa s'accroupit à côté d'elle.

                " Je vois que tu a fais connaissance avec nos pensionnaires les plus timides. Ils sont très gentils, mais je ne pense pas que l'un d'eux soit fait pour toi. Ils sont si proches que personne n'a eu le cœur de les séparer. Tu devrais plutôt t'intéresser aux autres."

                Lilya continuais de fixer les deux petites créatures. Elle sentait, au plus profond d'elle, que le lien s'était établit, mais elle ignorait avec lequel.

                Le plus grand s'avança et s'arrêta tout près de la princesse. Elle lui tendit la main, paume ouverte. Il la renifla un moment, puis la ratte descendit et fit de même. Tout deux regardèrent Lilya dans les yeux puis, après un instant de silence, se frottèrent contre sa main. La ratte lui monta dessus jusqu'à son épaule et en profita pour continuer à la renifler.

                La princesse se mit à ronronner, sa queue s'agitant de plaisir. Elle attrapa ce qu'elle pensait être un chat à plumes – bien qu'elle n'en ait jamais vu – et le sera contre elle, lui gratouillant le crâne. Le lien ne s'était pas formé avec l'un ou l'autre, mais avec les deux. En les regardant, elle se demandait comment elle avait pu vivre jusque là sans eux. Ses yeux se perlèrent de joie.

                "C'est très touchant de voir cela. Vraiment. Alors, lequel vas-tu choisir?

                 - Je choisis les deux!

                - Mais voyons, c'est impossible. Tu ne peux prendre comme familier seulement celui avec qui le lien s'est établit. Arrives-tu à savoir avec lequel?

                - Oui, avec les deux. J'en suis persuadée.

                - Puisque je te dis que tu ne peux pas. C'est l'un, ou l'autre. Cela a toujours été ainsi. Personne ne possède deux familiers. Tu dois faire un choix, c'est comme ça.

                - J'ai choisis, et ce sera les deux. Je ne repartirai pas sans eux, alors laissez-moi tranquille.

                - À chaque cérémonie, c'est pareil. Il y a toujours une petite peste comme toi pour compliquer les choses. Puisque c'est ton choix, vas-y, prends les deux. Prends les tous même! Tu te feras réprimander par le roi et par les invités pour ne pas avoir respecté les règles. Tu reviendras toute triste, comme une enfant gâtée, et la décision me reviendra.

               - Je m'en fiche, mon père c'est le roi. Il m'écoutera, lui, et comprendra que je choisis les deux. Ce n'est pas un caprice, c'est la vérité.

               - Et bien vas-y! Je pense qu'on ne va pas tarder à se revoir.

               - Tu n'es qu'une méchante, je te déteste!

                Lilya se releva, la ratte toujours sur son épaule. Elle se dirigea d'un pas ferme vers les portes, le chat-à-plumes trottinant à ses côtés. Elle se retourna pour jeter un regard noir à Levissa, qui lui faisait un petit signe provocateur de la main. Elle lui tira la langue et franchit les portes.


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